Cuisine d'une mémé bourguignonne - Clafoutis pommes-raisins à l'image des pulsions ridicules de Fernand

Clafoutis pommes-raisins à l'image des pulsions ridicules de Fernand

Hier matin, dernier jour de l'année 2006, j'ai été alertée par une sérieuse odeur de fumée qui venait de la chambre des garçons.

Je suis montée avec inquiétude, et au moment où j'ouvrais la porte, j'ai parfaitement vu ce sale gosse de Pierrick, autrement dit le rejeton de ma fille Maryline, jeter en vitesse quelque chose par la fenêtre.
— Que viens-tu de jeter au dehors, je te prie, Pierrick ?
— Mais rien du tout, mémé ! a ricané cet effronté.
— Dis-moi la vérité ! Immédiatement ! J'attends.
— Mémé, mémé, il a jeté une grosse crotte de nez par le Vélux ! est intervenu son impudent jumeau.
— Tais-toi donc, Parfait ! Je parle à ton frère !
(Je sais bien que c'est incroyable, mais Maryline a réellement osé appeler l'un de ses jumeaux "Parfait". Prénom bien mal porté en l'occurrence — mais prénom bien difficile à porter par quiconque, convenons-en.)

Je me suis penchée à la fenêtre. Un mégot fumait encore dans la gouttière.
— Pierrick, tu seras puni. Vous serez tous les deux punis, toi aussi Parfait.
— Mais nan c'est pas nous, c'est pas nous ! C'est Pépé qui nous l'a filée. Il nous a dit d'aller la fumer dans les bois mais comme il faisait trop froid on est venus la fumer au chaud !

"Venus la fumer au chaud" !
Ils sont tout simplement en train de me dire que j'aurais pu finir en grillade à cause de la bêtise insensée de Fernand ! Ce pauvre vieux m'inquiète, je trouve qu'il roule vraiment sur la jante en ce moment.
J'ai demandé aux enfants :
— Qu'aimeriez-vous comme dessert aujourd'hui ?
— Du gâteau au chocolat !!!!!
— Très bien, c'est donc exactement ce que vous n'aurez pas.

Je suis redescendue enguirlander Fernand. Qui m'a répondu, pour tout mea culpa :
— Ya plus de PQ ni de bibine, on va faire un tour en Deuche ?
Ce corniaud sait quand même comment m'amadouer. Allez donc savoir pourquoi, j'aime prendre la 2CV et aller aux commissions avec mon époux.
— Bien. Allons-y.

La journée aurait pu, ainsi, bien se terminer entre nous. Malheureusement, comme souvent, il n'en fut rien.

Arrivés devant la caissière avec notre chariot, Fernand me dit :
— Hé ! On a oublié le PQ !
(Comprenez qu'il a hurlé cette information non seulement à moi mais aussi à la file des clients qui attendaient.)
Je suis restée vaillante et impassible, tout en n'en pensant pas moins.
— Bien bien, va le chercher, pendant ce temps-là je commence.
Et me voilà en train de déposer courageusement sur le tapis roulant, ses bouteilles de bière, un gros baril de lessive, les boîtes, les oignons, les pommes...
— Hé mam'zelle, pourriez m'attraper ce PQ ? Çui-là, là haut, le "papier Confort".
Je reconnais la voix de Fernand. Il s'adresse fort distinctement à une jeune et svelte vendeuse du magasin, à dix mètres de la caisse. Mon Dieu, quelle honte !
En plus, il lui demande un papier que je n'aime pas du tout.
Je me dirige prestement vers eux :
— Non Fernand ! dis-je discrètement, celui-là se déchire. Prends l'autre, là, le recyclé, il est bien plus résistant.
Et je refile à la caisse.
D'où j'ai la joie d'entendre aussi clairement que la quinzaine de clients qui nous entoure :
— Non non, plutôt çui-là Mam'zelle ! C'est qu' ma bourgeoise a la touffe rêche, avec ça elle nous déchire tous les papiers-cul !
J'ai cru m'évanouir.
— Mais comme tu le sais, lui ai-je rétorqué à vive voix, une touffe de poil de chèvre bien entretenue vaut toutes les touffes de vison malsaines, je te prie de t'en souvenir !

Nous avons terminé sans que je lui adresse le moindre mot et sommes rentrés à la maison.

Où j'ai subi le troisième affront de la journée. Celui qui m'a décidée à faire ce clafoutis.

Tout le monde me laissait ranger les courses. Pierrick faisait des messes basses avec son grand-père.
J'ai fini par demander :
— Qu'est-ce qui vous amuse tant que ça ?
Pierrick a ri avec une vulgarité consternante :
— C'est Mireille, on se disait qu'elle était bonne !
— Mireille ? Tu veux dire Mireille notre voisine ?
— Ben ouais, elle a une de ces paires de lolos !
Je me suis dirigée vers Pierrick et lui ai administré une taloche.
— Monte dans ta chambre, toi, tu auras de mes nouvelles bientôt.
Avant d'aller lui faire un sermon en règle, j'ai sévèrement tancé Fernand :
— Tu te rends compte ? Tu me déshonores dans ma propre maison ? Tu racontes tes salaceries à un innocent garçonnet ?
— Tu parles, innocent garçonnet, et mon fion ! a rigolé Fernand.

N'ayant que Mireille et mon humiliation en tête, je suis allée voir Pierrick et lui expliquer qu'on ne parle pas ainsi des femmes. Surtout quand elles ont plus de 75 ans.
Et d'autant que Mireille est tout sauf "bonne", enfin voyons !... Oh c'est sûr, elle fait tout à pleins poumons ! Elle dit bonjour à pleins poumons, elle regarde Fernand à pleins poumons, elle demande l'heure ou un menu service aux mâles du village à pleins poumons. Même à la messe, elle chante à pleins poumons sous le nez du curé, certains jours j'en suis sincèrement gênée pour elle.

Pierrick n'a rien voulu savoir et a osé me répéter qu'elle "en avait une belle paire". Absolument consternant.

Encore rouge de colère, je suis redescendue à la cuisine. Où j'ai trouvé mon adorable Emily (la fille d'Antoine) occupée à débarrasser les pommes dans le cageot approprié.
— Merci ma chérie, sais-tu que tu me rends bien service ! Et que voudrais-tu comme dessert pour aujourd'hui ?
— Oh mémé, s'il te plaît, j'aimerais bien ton clafoutis aux pommes ! Il est si bon !
— Tu l'auras mon trésor. Nous allons même le faire ensemble si tu veux.
— Avec plaisir mémé !

Je vous en donne la recette, c'est Emily qui a pris la plupart des photos.

——————————— La recette ———————————

Clafoutis aux pommes et raisins de mémé Georgette
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• Préparez la pâte :
(quantités pour un demi-clafoutis correspondant à mon moule de la St-Valentin, c'est-à-dire aux quantités d'un demi-moule à bavarois classique)

- Battez 2 oeufs au fouet avec 60 g de sucre semoule,

- ajoutez environ 70 g de farine,

- puis 1 cuiller de rhum,

- puis un filet d'extrait de vanille (ou le contenu d'une belle gousse),
- une boîte de 170 g de lait concentré non sucré Gloria (ou 20 cl de lait),
- et enfin, environ 20 g de beurre fondu.

• Préparez la garniture :

- coupez en deux une belle pomme (pour les deux montgolfières de Mireille)
- prévoyez autant de raisins secs que Mireille a de tétons (une paire, à ce qu'il paraît) et autant qu'elle a d'habitants parasites dans son triangle de vison (... incalculable, là je vous prie de prévoir large).

Emincez la pomme et disposez-la dans le moule légèrement huilé.

Versez doucement l'appareil pour ne pas désorganiser les appas de Mireille.

Disposez les tétons.

Et le reste dans la région adéquate...

Il n'y a plus qu'à mettre à cuire dans un four préchauffé à 170-180 °C pour 35 mn.
Et plus qu'à admirer le clafoutis, les tétons, le vison et compagnie, et à répondre sans sourciller aux questions de vos petits-enfants.

Questions qu'ils ne posent même pas, tout occupés qu'ils sont à glapir avec excitation :
— J'veux un nichon !
— Moi aussi !
J'ai servi les jumeaux. Un gros nichon pour chacun.

Il se sont esclaffés et régalés en dépit du fait qu'un des seins était terriblement tombant, ce que je leur ai signalé sans parvenir à les décourager.

Puis j'ai donné à Emily ce qu'elle préfère : une large part de flan sans fruits mais subtilement aromatisée par les fruits voisins. Elle m'a remerciée d'un sourire jusqu'aux oreilles.

Avant que j'aie pu faire ouf, Fernand a autoritairement empoigné la cuiller de service :
— Tu permettras que je me garde la touffe.

J'ai dû supporter de le voir la manger à petites bouchées gourmandes, en se mettant des raisins partout autour de la bouche, tandis que les deux vauriens enfournaient gloutonnement leur sein.

Quelle famille ! Seule Emily fait honneur au genre humain, je le crains.

Quant à moi, j'ai préféré m'abstenir de goûter à ce dessert. Quand il a été terminé, j'ai poussé un soupir de satisfaction.
— Enfin ! Voilà quelque chose qui n'est plus !

Et j'ai fait une énergique vaisselle pour finir d'exorciser ma maison de l'objet de toutes ces affreuses concupiscences.

Ecrit par Georgette le Dimanche 31 Décembre 2006, 15:36 dans "Desserts"

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Commentaires

loukoum°°° - le 31-12-06 à 18:43 - #

C'est excellent, je suis morte de rire!

Moi, Georgette, 79 printemps et toujours gaillarde

Georgette aime surfer par ici...

Fernand, mon mari, 80 hivers et toujours... (hum)

Si ce pauvre Fernand savait surfer...

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