Cuisine d'une mémé bourguignonne - Lait de poule de mémé Georgette pour vieux pépé écroulé

Lait de poule de mémé Georgette pour vieux pépé écroulé

lait de poule dans un verre à pastis -- Cliquez pour voir l'image en entier

Depuis 56 ans que je suis mariée, j’ai préparé je ne sais combien de milliers de laits de poule pour Fernand.

Et encore un petit dernier pas plus tard qu’hier soir, car ce geignard s’est encore débrouillé pour avoir besoin de réconfort.

Tant qu’à faire, j’ai pris une photo de ce doux élixir et vous en donne la recette. Abusez-en, c’est le remède parfait en cas de spleen, douleurs ou petit mal de vivre...

Pourquoi hier soir ?...

Maryline est arrivée en voiture hier matin avec un truc incroyable, qu’elle a sorti de son coffre en ahanant devant le perron. C’était tellement lourd qu’elle a failli faire une galipette sur le gravier.
— Tiens, c’est pour toi maman, un yucca.
Un yucca ???
Un gros machin dans un pot, tentacules dressés vers le ciel et feuilles pendantes : bon, un détritus, ni plus ni moins.
Maryline me regarde, enthousiaste. Impossible de mon côté de comprendre ce que ça fout devant mon perron.
— Mais pourquoi tu m’apportes ça ?
— C’est pour te remercier de garder Rex.
Hein ? Elle m’offre une plante en pot pour me remercier de garder son abruti de chien, alors que je sème tout ce que je veux chez moi ? Cette fille est cinglée décidément. Comme si j’allais offrir un rat crevé ou les intestins de Fernand à mon boucher pour le remercier de m’avoir aidée à traverser la rue, ou que je me mettais à fabriquer du pain sec pour mon boulanger parce qu’il m’a fait crédit mardi dernier.
— Mais tu es folle Maryline, tu n’aurais pas dû !

Le soir venu, Maryline repartie, j’essaie de tirer cette saloperie de pot depuis l’entrée vers l’arrière-cuisine. (C’est là que je vais le mettre, je ne vois pas d’autre endroit où sa présence serait supportable.) Avec mon dos qui flanche et le poids du truc, c’est pas du gâteau. Je fais péniblement trois mètres. Il m’en reste au bas mot vingt-cinq à parcourir quand le téléphone sonne à me déchirer les tympans.
... DRIIIIIIIIING !
Fernand ne bougerait pas le cul de son fauteuil. Tu penses. Trop occupé à se rôtir les chaussons devant la cheminée en lisant l’Est Eclair. Cette vieille enclume, mon Dieu, je ne sais pas ce qui me retient de le tabasser avec le tisonnier mais ça arrivera un jour, c’est écrit. Quand je pense que c’est moi qui fais tout ici alors que ce minable pitre a passé les dernières décennies à jouer aux cartes et n'a même pas connu les douleurs de l'accouchement !
Dans une bouffée de colère, je me redresse pour aller décrocher.
Maryline.
Encore elle, Seigneur Jésus.
Jamais en paix.
— Qui c’eeeeeest ? braille Fernand du salon comme un mouton qu’on égorge.
— C’est ta fille ! Elle est bien rentrée !
— Atteeeends, je veux lui parler !
Un énorme fracas s’ensuit. De meubles brisés.
Maryline s’affole aussitôt à l’autre bout du fil :
— Han, maman ! Qu’est-ce qui se passe ?
— Trois fois rien, voyons. Tu viens de tuer ton père.
Je pose le combiné et je vais voir. Ce corniaud s’est salement empalé sur le poireau de Maryline. Aveuglé par la hâte d’entendre sa fille, il s’est jeté bille en tête dans le pot que j’avais abandonné devant la porte. Je sais bien qu’il a la vue basse mais avouez que c'est un incurable con ! Terrifiant spectacle qu’un septuagénaire emplâtré dans un yucca, même moi l’irréductible Georgette j’éprouve quelque chose... qui me gratouille et me secoue sous les côtes, comme une sorte de hoquet... — hilarité, dites-vous ? voyons voyons, pas de mauvaises pensées, c’est mon mari tout de même ! (Qui soufflera bientôt ses 80 bougies, ce qui mérite mon plus grand respect.)
— Fernand ? Mon ami ? Tout va bien ?
En plus, on n’y voit rien ici !... Ça apprendra à ce crétin à éteindre toutes les lumières pour économiser sur la facture EDF. J’arrive finalement à distinguer des bras et des jambes en étoile, un pied nu, une vieille charentaise explosée à trois mètres, et en fin de compte, un gros crapaud qui nage la brasse frénétiquement au milieu des troncs en faisant « aaaah, croaaaa, croaaaaaaa ».
Bon allez, rien de si grave que ça en somme, j’estime qu’il pourra s’en sortir seul.
Je retourne au téléphone. Où je constate que Maryline a un tempérament hystérique, il faudrait qu’elle se soigne :
— Han, maman, passe-moi papa, viiiite !
— Impossible mon petit, il compte ses os.
— Maman, mais c’est dingue, on dirait que ça t’amuse !
— Penses-tu ! Pffff... Il va encore falloir que je lui prépare un lait de poule !

... Ce que j’ai fait, en épouse dévouée, après avoir enfin largué Maryline dans le néant de la nuit téléphonique bourguignonne.

Et c’est bien volontiers que je vous en confie ci-dessous la recette.

——————————— La recette ———————————

Lait de poule de mémé Georgette
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Pour 1 lait de poule (c’est-à-dire pour 1 personne, mais pas forcément Fernand, je vous rassure) :

• 20 cl d’eau
• 1 jaune d’oeuf
• 1 cuiller à soupe de sucre ou de miel
• 1 cuiller à soupe de marc de Bourgogne

Battre les 3 derniers ingrédients, ajouter l’eau bouillante et rebattre vivement. Servir dans un verre à pastis si c’est pour Fernand (ça lui fait plaisir, à ce soûlographe), dans un verre normal ou dans une tasse en porcelaine pour une personne ordinaire.

Sinon, pour les enfants, remplacer l’eau par du lait, supprimer l'alcool et ajouter de la vanille.